"CTQÏ Œ" Painting

Bertrand Chacun est un artiste qui depuis toujours peint des portraits, des visages, des figures. Que le dessin soit à l'origine du portrait apparaît déjà chez Pline l'Ancien dans son récit où la jeune Callirrhoé, fille du céramiste Boutadès de Sicyone, trace une ligne sur l'ombre du visage de son fiancé projetée sur le mur pour maintenir vivant son souvenir. Le portrait, évoque par son nom le trait qui se trace et se retrace pour se faire réalité. L'identité individuelle se dissout en une apparence homogène, asexuée, indifférenciée, dans laquelle chacun (Chacun) trouve son origine et ses noms. L'artiste par le dessin vient lire la peinture, les tâches, les couleurs aquarelles plus ou moins transparentes ou opaques qu'il pose au trait, celles-ci le conduisent à un certain équilibre entre le lu et le vu. Chacun aime se souvenir des images plastifiées de son enfance qu'il appelait « trucs qui bougent », images qui selon qu'elles étaient regardées d'un côté ou de l'autre, changeaient d'apparence. Aujourd'hui, à sa manière, l'artiste cherche cet effet lorsqu'il trace ses figures qui nous regardent sous des angles tous différents. Depuis peu il utilise des pigments argentés, dorés ou des tons colorés plus ou moins éteints, qui accentuent cette impression et captent toute la lumière environnante pour mieux la restituer. Il est difficile pour le peintre de mettre un terme au travail sur les images et parfois les couches picturales saturent et craquellent. Pour arrêter le travail, l'œuvre sera souvent mise sous vitre à une certaine distance de la peinture. Mais l'artiste, tel Callirrhoé, ne peut s'empêcher de retracer sur la vitre et ainsi se libérer... Grâce aux ombres qui sont projetées sur le support par les lumières environnantes, l'auteur n'est plus responsable, le dessin devient libre. Le peintre est à la recherche d'un espace intime entre celui qui regarde et celui qui est regardé. Dans son processus de réalisation, il utilise aussi des mots, des phonèmes, des syllabes inscrits en bas de ses figures. Très souvent un «œ »remplace une voyelle ou une syllabe et devient une clef de lecture pour inviter celui qui regarde à prononcer d'autres mots suggérés. De la même manière il peut volontairement oublier une consonne dans un mot et ainsi suggérer autre chose par sa prononciation. Souvent le résultat constitue le titre du tableau ou est la source d'un petit texte.